Un chinois à Paris by Vincent Peillon

Auteur:Vincent Peillon
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2017-03-15T00:00:00+00:00

10

En bateau-mouche

Le commissaire Benoît Bloom avait dormi deux heures, à peine plus.

Cela devenait une mauvaise habitude. Combien de temps pourrait-il tenir comme ça ?

À 6 heures 45 il était sous la douche après avoir déjà bu son café. Il ressentait un mélange de fatigue et d’excitation, de désespoir et de sérénité. Il connaissait cet état, celui du guerrier sur le sentier de la guerre. Il était impatient de saisir les effets de ses coups de fil du soir. À 7 heures il avait allumé la radio et en même temps branché les chaînes info, zappant d’un journal à l’autre.

Bingo, sa version était partout. Il faut dire qu’elle était bien meilleure que la version officielle des petits pédés dégoûtants punis pour leurs péchés et leurs vices.

Le scandale, il n’y avait que cela de vrai pour être certain de faire parler de soi. Les médias étaient si prévisibles. Schneider avait réussi son coup.

Au temps pour la marionnette Braun-Joly et ses tireurs de ficelles planqués bien au chaud dans leurs bureaux capitonnés avec leurs rosettes au revers des costumes. Ils s’étaient crus les plus malins. Ils n’étaient que des bricoleurs. Leur journal de 20 heures de la veille n’était déjà plus qu’un lointain souvenir. Rien de plus vieux que les nouvelles de la veille. Leur version voulant faire prendre ces meurtres pour une affaire de mœurs était annulée, débordée, dépassée.

Pire encore, elle passait pour ce qu’elle était : une minable tentative de dissimulation organisée par les pouvoirs publics, une entreprise délétère de manipulation de l’opinion, un mensonge d’État !

Les journalistes, furieux d’avoir été trompés et utilisés, s’exaltaient. Les autorités allaient devoir s’expliquer. La Préfecture était mise en accusation, le pouvoir politique dans l’œil du cyclone. Protection des turpitudes et des malversations des puissants ! Corruption et raison d’État ! Pas vraiment une belle image pour la police républicaine.

Beaucoup moins belle que celle de Braun-Joly au journal la veille au soir.

Affaire d’État contre petite partouze, il n’y avait pas eu photo. Il les avait mis KO debout avant la fin de la reprise.

Bloom n’était pas heureux d’avoir dû faire ça. Il s’en serait bien passé. Mais ils ne lui avaient pas vraiment laissé le choix. C’était lui ou eux. Ils étaient déjà en train de l’enterrer. Mais il ne se faisait pas non plus d’illusions. Il savait que les intérêts en présence étaient si puissants que cela ne suffirait pas à les faire reculer. Il s’était juste donné un peu d’oxygène. Il avait gagné un peu de temps.

Pour la première fois depuis des mois, il avait trouvé l’énergie de faire quelques mouvements d’assouplissement, allongé par terre sur un vieux tapis de gymnastique qu’il avait retrouvé remisé au fond du placard de sa chambre. Il craquait de partout, et sa ceinture abdominale avait totalement disparu.

Lorsqu’il avait rallumé son téléphone, la boîte vocale était saturée. Cela ne l’avait pas surpris.

Benoît Bloom avait sorti son arme de service. Bien que ce ne soit pas réglementaire, d’ordinaire il ne la portait jamais. Cela faisait longtemps qu’il n’était pas passé au stand de tir.

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